Monsieur Louis Sarkosy a une conviction : les idées les plus simples règlent les problèmes les plus compliqués. Et si ces idées sont assez disruptives pour exciter les caméras de télévision, c’est mieux encore. C’est ainsi que le fils de l’ancien président de la République hante ces derniers jours les médias en proposant de supprimer le code de la route.
Supprimer le code de la route ?
Plus de feux rouges, de ligne blanche, de panneaux d’interdiction, de limitation de vitesse ! Rétablissons la loi de la jungle. Devant le danger, les usagers redoubleront de prudence et éviteront d’eux-mêmes les accidents. Et monsieur Sarkosy de conclure : « Ce qui tue les automobilistes, c’est l’assistanat ».
Passons sur l’injure faite aux dizaines de milliers de victimes de la route qui apprécieront le caractère odieux de la formule. Revenons sur le catéchisme « libéral » qui préside à ces élucubrations : l’homme est naturellement bon et conscient du danger. Seule la société et sa réglementation abusive détruit cette perfection originelle. Supprimons les règles, le code de la route et le conducteur retrouvera, de lui-même, le chemin de la responsabilité.
Monsieur Louis Sarkosy étend d’ailleurs le même raisonnement aux violences engendrées par le narcotrafic : légalisons la consommation de toutes les drogues et ce sera la fin des règlements de compte sanglants entre dealers ! Demain, si on le laisse continuer, monsieur Louis Sarkosy affirmera qu’il faut supprimer la justice pour en finir avec les délinquants. Ou -pourquoi pas – supprimons la Constitution et les lois pour que les citoyens se responsabilisent et retrouvent la paix civile.
Rétablir la loi de la jungle
Mais le délire cesse d’être simplement risible quand Monsieur Louis Sarkosy veut expérimenter ses lubies. Surtout lorsqu’on songe aux habitants de la paisible ville de Menton dont le héros « libéral » brigue la mairie aux prochaines municipales.
Non, Monsieur Sarkosy, on ne joue pas avec la vie des gens pour tenter de démontrer des postulats idéologiques. On ne peut que vous conseiller de reprendre des lectures sans doute mal digérées. Vous vous apercevrez que l’idée d’une circulation sans réglementation a déjà été émise dans les années 1920, aux Etats-Unis, dans les débuts de l’automobile. Et aussi vite abandonnée.
Tout observateur, un peu honnête, de la circulation, constate rapidement que la probabilité des accidents graves ne dépend pas de la prudence des automobilistes mais de la disproportion entre les usagers de la chaussée. D’un côté des sujets fragiles, sans protections : piétons, enfants, personnes âgées, cyclistes, motards. De l’autre des voitures, camions, SUV, protégés par des carrosseries, des airbags, des ceintures de sécurité et mues par des vitesses sans commune mesure avec celle des plus fragiles.
Face à cette disproportion, il n’y a que deux solutions. Soit changer radicalement tout l’espace urbain pour protéger les plus fragiles et séparer les voies de circulation, ce qui est le cas de la petite ville des Pays-Bas, citées en exemple par monsieur Sarkosy. Soit instaurer des règles pour améliorer la cohabitation et éviter les risques les plus évidents.
Les règles rendent la ville plus visible et prévisible
Face aux travaux pharaoniques et dispendieux qu’entraînerait la première option dans nos grandes agglomérations, il ne reste que la solution de la réglementation. C’est parce qu’ils rendent la ville plus lisible et plus prévisible que feux tricolores, panneaux de circulation et règles de priorité sauvent des vies en même temps qu’ils fluidifient la circulation.
Même les théoriciens les plus libéraux, savent qu’une régulation spontanée n’est possible qu’entre acteurs à égalité de puissance ou de risques. Seul, Monsieur Louis Sarkosy ignore que dans une situation d’inégalité et en l’absence de réglementation, la loi du plus fort finit par écraser les plus faibles.
C’est le renforcement des contrôles et des sanctions qui a sauvé des vies
On peut recommander aussi à monsieur Louis Sarkosy de méditer sur la politique qui a permis de diviser par trois le nombre de victimes sur la route dans les dix dernières années en France. Promue « grande cause nationale » par le président Jacques Chirac et mise en œuvre notamment par son ministre de l’Intérieur, le propre père de monsieur Louis Sarkosy, la sécurité routière s’est nourrie d’un renforcement des contrôles (radars, tests d’alcoolémie et de drogue, etc.) et des sanctions.
Revenir à la loi de la jungle ne fera que relancer l’hécatombe. Non, monsieur Sarkosy, on ne peut pas jouer avec la vie des gens, juste pour se faire un prénom.
Crédit photo : G. Favre.